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Déroulement de la course de ce 28 février 2016...

Nuit blanche bien entendu, comme à chaque course où je sens que je peux jouer quelque chose. Rappel incessant de cette fois où j'ai échoué près du but à Méribel en 2013 en enfourchant au slalom après une bonne descente...mais convaincue aussi que cette fois, je peux gèrer l'enjeux. Je me répète qu'il faut me focaliser sur le ski, pas sur le résultat, prendre la course étape par étape: accélérer à chaque porte, ne penser à rien d'autre. Oser les lignes au Super-G dont je connais le parcours puisque les coaches nous ont dit que c'était sensiblement le même qu'hier. Alors je ressasse le tracé dans ma tête...une fois, deux fois, dix fois... savoir où je pourrais gagner du temps sans me mettre out comme à Garmisch. Je pense que la partie haute du tracé que nous n'avons pas faite hier me convient plutôt bien avec cette grande partie de glisse et que je peux gagner du temps sur les techniciennes à ce niveau. Pour le reste, il me faut l'aborder comme un grand géant. Et si tout se passe bien, après il y aura le slalom, ma spécialité. La piste est assez raide et j'ai été nulle à Crans Montana...Pas de question, pas de tourment, si je pars à fond, je me mettrai dans le bon rythme...

DRIIIIIIIIIIING! Ah enfin le réveil!!!!

Pas très faim.

Qu'est ce que je mets dans mon sac? Des cartes d'autographes au cas où je fasse bien, NON arrête de penser que tu vas être bonne, tu vas te foutre dedans...bon je prends les cartes quand même mais je prends pas le bonnet, cela pourrait me porter la poisse...et puis de toute façon je n'ai pas de sponsor alors je n'ai rien à faire valoir si je fais bien. CHUUUUT! Bon, ok, je prends les cartes mais pas le bandeau, c'est un bon compromis.

J'apprends que le Super G partira du départ réserve, adieu la partie de glisse! Il me reste la partie “grand géant” mais les autres techniciennes peuvent bien s'en tirer aussi... Il va falloir y aller le couteau entre les dents.

Difficile de parler à la reconnaissance du tracé que je connais déjà par coeur. Je ne m'échauffe pas: mon genou m'interdit de skier dans 30cm de neige fraîche avec des 2M10 aux pieds.

Je m'échauffe en baskets pour être prête pour 10H30, le départ a déjà été repoussé. Je m'habille, m'apprête à sortir de la tente, et me retrouve nez-à-nez avec Pierre-Yves qui m'annonce un retard d'une heure...Comme c'est pénible la vitesse!!

Je suis exaspérée, mon échauffement tombe à l'eau...Si la course des garçons m'a diverti pendant un temps, voilà qu'elle m'énerve maintenant. Qu'on en finisse de ce Super-G! Je commence à avoir les symptômes de Solden...Tant pis pour le genou, je pars “skier”, c'est-à-dire faire du tout droit.

Je suis au départ, et le phénomène Gollum revient: le caméraman n'arrête pas de me filmer, héhé, peut-être que lui aussi a senti que j'allais être bonne aujourd'hui? Tais-toi bon sang! Remémorise toi le Super-G encore une fois plutôt, bécasse!

Je suis au départ, les andorrans m'encouragent et je ne pense plus à rien, juste aller vite. Quelques minutes avant le départ, j'ai pris la décision de ne rien tester de fou avec les lignes mais d'attaquer chaque porte et de rester le maximum en schuss.

Je passe la ligne en 2ème position? J'ai le dossard 3...alors je ne sais pas. J'ai l'impression d'avoir pris trop de marge sur certaines portes mais c'est quand même Stacey Cook devant à 28centièmes. Greber, le chef course chez Head me dit que c'est bon, je suis rassurée. Holdener passe et me bat, Gagnon passe et me bat, Kirchgasser et Ferk sont derrière, Brignone fait encore un super run et bien entendu Gut et Vonn sont large devant...mais pas inatteignables.

Je me stresse un peu une fois retournée sous la tente au départ...J'ai quitté l'aire d'arrivée en 14ème position, je suis maintenant 27ème!! Argh, je commence à prier pour rester dans les 30. Je reste 27ème. Je ne sais pas qui remercier mais Merci.

Je pédale 10min (merci AnyosPark pour le vélo) et enfile ma tenue de combat. Je décide de faire une piste d'échauffement (avec les 1M55, ça passe) sur le haut du SG...et je me mets la méga boîte du siècle derrière un dôme. L'organisation avait rasé le saut artificiel crée pour l'occasion et il en résultait un énorme monticule de neige juste derrière le dôme. Mes spatules ont planté, et moi j'ai décidé de faire le soleil dans la grisaille. Mes bâtons, et mon casque que j'avais mal attaché ont volé. Bref...grosse boîte. Plutôt bonne ou mauvaise prémonition? Je décide de voir le bon côté des choses, si il fallait que je tombe aujourd'hui, au moins c'est fait!

Je fais la reco, le tracé ne me semble pas très difficile mais je suis nerveuse. Toutes les dix portes se trouvent un coach et avec lui, la fameuse question qui n'en est pas une: “Alors?” Alors vous m'emmerdez! J'ai toujours pas envie de parler. Je fais la moue et attend qu'il comprenne qu'il doit s'autorépondre. Je sais ce que chacun va me dire (“tracé simple, va falloir envoyer, orienter à la porte, prendre le pied fort et recouvrir”) mais je préfère les entendre me le répéter; retrouver des paroles dites à l'entraînement me rassure.

Je remonte avec le coach de Vonn qui trouve que le tracé n'est pas en bon état, qu'il y a encore beaucoup de travail à faire sur la piste, que certaines parties sont “boulettes” et que la neige sur le bas  va nous coller les skis. Bizarrement, au lieu de me mettre au fond du trou, cela me plaît qu'il pense toutes ces mauvaises choses parce que moi, à la reco, je n'ai rien vu de tout ça. Je me dis alors que ses athlètes balisent et cela me fait du bien.

Je suis tellement pressée de prendre le départ que je m'invite dans la cabane de départ persuadée que c'est mon tour...on me stoppe pour me dire que l'autrichienne est avant moi. Ah bon? Bon ok.

Il me reste 30 secondes et tout se bouscule dans ma tête. Phénomène Gollum multiplié par 100. Dès les premières portes, je lâche les chevaux. Presque un peu trop puisque je commence par fauter à la 4ème porte mais le reste s'enchaîne correctement.

Je passe la ligne avec 1s79 d'avance...Est-ce que c'est assez?
Holdener passe et me met 44centièmes, je suis dégoûtée et je m'en vais de l'aire d'arrivée persuadée que ma prestation ne suffira pas pour le podium. Je donne mon dossard et je pars discuter avec des pyrénéens venus des Angles pour l'occasion, il y a aussi le président de mon ancien ski club, des toulousains...c'est fou tout ce monde familier qui est là!

Puis quelqu'un vient me chercher pour remonter dans l'aire d'arrivée...Quoi? Je suis encore 3ème et Gut est passée? Il reste qui, le calcul est vite fait: Vonn, Brignone pour le reste des 30...Je ne pense pas encore à Shiffrin, Kirch et Marusa.

Vonn est loin, Fedé 4ème. Merde alors! Je m'éffondre.
Ils nous font faire le podium à la fin des 30 et je réalise qu'il reste encore des concurrentes suceptibles de créer l'exploit. Quelle cruauté de faire le podium alors que je suis sur un siège éjectable!! Je suis débraillée, je pleure, je n'ai pas de gant, pas de bâton, pas de masque et pas de ski. Maurice ferait une tête si il était là... Tessa s'occupe de moi et me refourgue tout ce qu'il faut et je continue de pleurer comme une madeleine. Mitch me prend dans ses bras, je redouble de sanglot...la honte!!!

Je m'éloigne de l'aire d'arrivée une fois la photo du podium provisoire faite pour regarder Shiffrin. En fait je ne la regarde pas, je fais semblant de fouiller dans mon sac et j'écoute le public...Elle est derrière! J'exulte! Je retourne en courant et saute dans les bras de mes amies, ça y est pétard!!! C'est mon tour!

Moi qui déteste les bisous, les calins, je m'écroule dans les bas des uns et des autres. Papa pleure, je pleure. Mimi m'enlace, je pleure. Pierres Yves me porte dans ses bras, je pleure. Mais ça ne s'arrête jamais ces larmes? Je dois faire une interview en espagnol puis en anglais, je dois m'interrompre pour ne pas sangloter. C'est chiant mais je ne peux pas m'arrêter, 10 ans de frustration soit 150 départs à les retenir mes larmes pour féliciter les autres...c'est long!! Alors qu'elles coulent après tout.

C'est cet intervalle entre la bonne nouvelle et le podium (le vrai cette fois!) que je garderai toute ma vie en mémoire. Antoni, Pierres-Yves, Pelite, Papa et Maman, leurs amis, tous ces gens avec qui j'ai galéré, que j'ai maltraité parfois, j'ai pu leur dédier ce podium. Ils le méritent vous savez, parce que si je devais coacher ou soutenir le dixième de quelqu'un comme moi, cela ferait longtemps que j'aurais baissé les bras.


 

Je dois les quitter pour faire le podium. J'ai vu 149 podiums dans ma vie, et je suis comme une novice au moment du mien. J'ai donné mon dossard, le mec de la FIS enrage et arrache en vitesse celui de Mimi pour me le donner (voilà pourquoi j'ai le 47 sur les photos). Mitch me guide pour lever les bras, monter sur la 1ere marche avec elle pour les photos, etc... J'ai les cheveux dans mes yeux rougis parce que je n'ai pas de bonnet et j'ai le nez qui coule...C'est vers où déjà qu'il faut sourire?

J'aime bien l'hymne du Canada que j'ai découvert aux JO de Vancouver alors je le chante avec Mitch. “Oh Canada, terre de nos aïeux...” C'est cool, on est bien sur le podium!

Puis c'est la conférence de presse. Je vais beaucoup mieux, j'arrive enfin à articuler trois mots sans sanglot...

Je pourrais continuer mais cela deviendrait un livre. Je tiens vraiment à vous remercier pour vos messages, je les ai tous lus et j'ai tenté de répondre à un maximum d'entre vous. Je suis sincèrement touchée.

 

En terminant ces lignes, je conclus ce bel épisode pour regarder vers l'avenir: Jasna, où 60 000 personnes sont attendues. Une grande fête en perspective à laquelle j'espère profiter au maximum.

Encore Merci.

 

Anne so.