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Aaaaahhhh...les Jeux Olympiques ! Rien que le nom ça fait rêver ! Mais pourquoi d'ailleurs ?

Parce que les médias nous le vendent comme tel...Et ils ont raison de le faire car ils créent un engouement populaire sans précédent depuis 4 ans.

Pourtant tout ce qui concerne la course ne diffère en rien de ce que nous propose la FIS à chaque Coupe du Monde, l'ambiance dans l'aire d'arrivée y est même moins festive (sauf Lake Louise ou Val d'Isere peut-être) , les portes sont rouges et bleues et les visages à battre restent les mêmes.

La magie des Jeux Olympiques réside dans le côté « extra compétition » ; je vous voie déjà venir, avec votre sourire en coin, en pensant à cet article qui annonce le record de préservatif distribué au sein du village ! Sachez que je n'en ai pas vu un seul, alors soit je suis aveugle, soit cela fait encore partie des légendes croustillantes que les médias entretiennent. Non, je parle de cette atmosphère où tous les athlètes de toutes les nations et de tous les sports cohabitent dans un village, se soutiennent, se respectent. Nos points communs sont simples mais ils sont forts : s'entraîner pour performer, donner le maximum de soi chaque jour et repousser la limite. Chacun arbore son uniforme national fièrement pendant les Jeux mais il l'échangera avec plaisir pendant la cérémonie de clôture. (Personnellement, je devais troquer la mienne avec celle de Lindsay Vonn après le combi mais je lui ai dit dans l'ambulance que nous remettrions cela à plus tard...) On dit que le sport rassemble, ce ne sont pas des paroles sans fond, car les valeurs du sport sont universelles... lorsque l'état ne s'en mêle pas. Voilà pourquoi un sportif tutoie un « confrère » au premier échange. Peu importe le palmarès de l'un par rapport à l'autre, l'engagement est le même, seul le succès diffère. Mais à l'extérieur des Jeux, seul le succès compte car les gens ne connaissent pas les efforts fournis de celui qu'on décrète vaincu. Pourtant, si les histoires des médaillistes sont belles, elles sont souvent comparables à celle du 4ème. C'est la cruauté des Jeux Olympiques et c'est ce qui fait que l'athlète, même le plus serein du monde, sera nerveux au départ. Il y a donc une poignée de gens heureux qui sortent des Jeux Olympiques parce que beaucoup n'auront pas le Graal, à savoir la reconnaissance du grand public. Mais la majeure partie de ces athlètes se consoleront vite si ils ont réussi à s'exprimer pleinement, à donner leur maximum pendant ce temps infime que dure leur prestation. Parce que c'est leur seconde force, après l'abnégation ; être capable de reconnaître que l'on est juste tombé sur plus fort que soi. C'est ce qui m'est difficile à avaler, encore aujourd'hui en écrivant ces lignes : Je n'ai juste pas pu m'exprimer.

Moi aussi, j'ai travaillé dur, j'ai même bataillé au début d'hiver, mais je commençais à récolter les fruits de cette année d'acharnement au meilleur des moments. Je suis vraiment satisfaite du niveau que j'ai pu retrouver pendant les Jeux, je reskiais vite en slalom et j'avais trouvé le bon compromis en vitesse. Je prenais un plaisir fou à accélérer chaque boucle. Je devais courir le 23 février, jour de mes 30 ans , mais la météo a avancé le concours au 22. Pas grave, j'étais sereine la veille de course, (ce qui est rare) car je savais exactement quoi faire et je me sentais pleinement en possession de mes moyens. Je me savais plus forte que jamais auparavant parce que je me rappelais où j'étais au mois de Décembre et où j'étais maintenant. Je savais aussi que seul la médaille compte aux Jeux Olympiques et que je n'allais avoir aucun regret en passant la ligne, parce que, moi aussi, j'allais tout donner. Peut-être que vous pensez que c'est facile à dire vu que je n'ai pas couru mais c'est pourtant la vérité. Je ne savais pas si j'allais faire une médaille mais je savais que j'allais me faire plaisir et que j'avais les atouts pour créer la surprise. Je me sentais bien entourée, avec des coaches qui ne doutaient pas de moi et qui y croyaient eux aussi.

J'avais expérimenté ma routine d'échauffement sur les entraînements officiels et j'avais trouvé le bon au dernier : Reconnaissance d'abord, puis retour à l'hôtel pour m'échauffer en baskets à la salle de gym, 3 pistes d'échauffement en ski dans un tracé et arrivée au départ 20minutes avant mon tour pour prendre les infos et remettre un peu de peps dans les jambes.

Ma 1ere piste d'échauffement me servait à être bien équilibré, la seconde à mettre plus d'intensité et trouver le rythme entre les portes, la 3ème à passer tout le tracé en recherche de vitesse comme je devais le faire sur toute la dernière section de la Descente.

C'est lors de la dernière piste, alors que les coaches sont déjà sur la course que je chute lourdement. Pendant une phase de remise à plat, je croise mes skis et la spatule mord. Je suis en combinaison intégrale et je finis dans les filets à pleine vitesse. Je sens bien que je me suis fait mal mais je ne veux pas croire à ce qui m'arrive. Je crie pour que que Raph Burtin, le coach des belges que je sais derrière moi, me trouve et vienne m'aider. Il me détache du filet et me demande où j'ai mal, je pleure et je ne sens plus ma jambe qui bouge pourtant quand je le lui ordonne. Après quelques minutes, je demande à rechausser parce que je veux encore croire que c'est possible. Je monte dans le télécabine avec la tchèque Paulathova, je pleure encore parce que je commence à avoir mal, surtout derrière le genou, ce qui n'est jamais bon signe. Elle hoche la tête avec empathie et me demande de rester calme. Mais j'avais déjà eu cette douleur quelques années plus tôt après une chute en Géant sans conséquence pour mes ligaments croisés. Je me teste dans tous les sens en serrant les dents, je n'imagine pas trop que la cheville soit cassée. Je regardele dossard d'une fille passée (le 4) et commence à faire le compte-à-rebours dans ma tête. Je ne vais pas pouvoir faire les quelques mouvements de routine au départ mais ce n 'est pas grave. Lorsque je sors de la cabine, une douleur vive m'irradie la jambe et je prends la décision d'enlever ma chaussure pour voir. Je ne pourrais pas courir si je ne me rassure pas en voyant que j'ai juste pris un coup, que je pourrais m'appuyer sur ma jambe même si cela me fait un mal de chien. C'est à ce moment là que je prends conscience qu'il ne me sert plus à rien de compter les minutes. Je sens ma cheville faire un bruit effroyable au moment d'enlever ma chaussette et je comprends que c'est beaucoup plus grave qu'un hématome. Le médecin, Stéph Bulles, est appelé et je suis désespérée. On redescend tous les deux, laconiques, en télécabine alors que je vois passer Shiffrin qui s'élançait 2 dossards après moi. « Sans déconner ! Je vais me réveiller là, c'est juste pas possible ce qui est en train de se passer !!!! » J'oscille entre moments de vide cérébral, souffrance physique et affliction psychique. J'ai vécu l'un des moments les plus douloureux de ma vie.

Au moment de partir en ambulance, je vois les coaches et je les remballe un peu parce que je ne peux juste pas leur parler, c'est trop dur. Je n'arrive même pas à trouver les mots pour vous expliquer. Lindsay vient me voir pour me dire qu'on échangera nos tenues quand je serais de retour et qu'il faut que je sois forte, j'esquisse un sourire salé de larme. Je suis en colère contre Dieu, je sais même pas si il existe, contre le destin,même si je ne comprends pas ce que c'est... mais pas contre moi. Parce que j'ai beau ressasser tout le long du trajet avant de passer des radios, je ne vois vraiment pas où j'ai merdé. On dit souvent que la blessure physique résulte d'une blessure morale. J'en vois pas. Est-ce que j'ai été mauvaise avec quelqu'un et « on » m'a puni ? Jvois pas.

Terrible.

Jcomprends pas.

C'est une fracture du péroné. OK. Je me fais rapatrié ce soir. OK. Je ferai des examens pour mon genou la semaine prochaine. OK.

Je suis un robot et par moment je reviens à la vie pour tomber de Charybdes en Scylla.

Le retour à Lyon est dur, parce qu'il me confirme que je suis bien dans le monde réel. Je fête mes 30 ans dans l'avion et je continue à être en mode alternatif.

Je passe des examens à la cheville d'abord et on s'aperçoit que la fracture est un peu déplacée. Merde.

Puis c'est le tour du genou, pas de ligament croisé rompu.

Ah ben quand même , enfin une putin de bonne nouvelle.

Il va falloir opérer la cheville.

Merde.

Je repasse une radio et le chirurgien me dit qu'il y a 9 chances sur 10 pour que cela se remette bien sans chirurgie. Je tente sans alors ; 45 jours sans appui en espérant que j'ai consommé tout mon capital poisse le 22 février.

Voilà où j'en suis aujourd'hui.

 

Anne so.

 

P.S : vraiment merci pour vos messages, j'ai pleuré à chaque lecture ou presque mais c'est toujours réconfortant de se savoir apprécié...même lorsque l'on a pour seule médaille un plâtre.