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Peu d'articles cet hiver...je vous fais mon mea culpa. La raison est acceptable toutefois: je n'avais pas grand chose à vous raconter en rapport avec le ski. La technique était là, le physique et le mental aussi. Mais le problème du sportif en général, c'est qu'il reste avant tout un être humain quand on lui demande parfois d'être un robot. Tous les athlètes ont le même code: Se fixer un objectif, déterminer le chemin emprunté pour y parvenir, le modifier quand il y a un obstacle...et toujours être à 100% dans ce qu'il entreprend pour tirer le maximum des journées qui précèdent le jour J. (c'est ce pourquoi j'ai signé et c'est un quotidien excitant!) On nous dit aussi que “pour y arriver”; il faut être imperméable au monde extérieur (vous avez déjà entendu “faire sa bulle”?) et créer un entourage de confiance autour de soi dans laquelle on se ressource dans les moments de doute et on partage ses victoires. Cet entourage se compose souvent des deux mondes que l'on côtoie, notre staff et notre famille. Mon staff a été très bon cet hiver et j'ai pleinement confiance en lui pour me permettre d'obtenir mon saint graal la saison prochaine. En cas de désaccord avec son staff, tout devient difficile pour l'athlète et deux solutions s'imposent alors: dissoudre son équipe comme on le voit souvent dans les sports individuels (tennis, golf,...) ou changer de club dans les sports co. Pour nous, les skieurs qui faisons un sport individuel au sein d'une équipe, le choix se porterait à créer une structure: une solution onéreuse à la portée de peu d'athlète.

Il y a donc une possibilité de changement lorsqu'il s'agit de son staff, mais quid de faire la même chose avec une famille?

Lorsque le socle sur lequel ont été construit les valeurs de l'athlète vole en éclat, que devient-il? Un colosse au pied d'argile, qui tangue au moindre aléa.

Tout devient alors compliqué pour celui ou celle qui n'a plus de repère refuge, qui n'a plus confiance. On se raccroche alors au staff, mais il y a un vide qu'il ne peut combler malgré ses efforts.
La machine s'enraye malgré le bon vouloir de l'athlète qui perd la notion de ce qui est important pour lui à l'instant T. On pense au personnel en pleine séance sur les skis, on se réfugie dans le ski lorsque l'on doit affronter le personnel. On est plus à 100% nulle part, et le corps de l'athlète répond au mal-être de la situation présente: grippe, douleur, angoisse, maux de tête...

Comme un entrepreneur qui a besoin de prouver sa valeur au niveau professionnel et qui se doit d'être encouragé au niveau familial à chaque échec rencontré, le sportif bâtit sa carrière sur ses deux aspects: combien de sportif remercie leur entourage après un succès? Tous. Combien de sportif réussissent en période de crise personnelle? Très peu.

Je n'ai pas su rester imperméable et il m'est difficile de vous dire que cette 12ème place aux mondiaux était dû à une erreur de préparation...

Je savais que je devais répondre présente à la Descente pour pouvoir espérer une médaille; faire abstraction de tout, passer en mode “machine”. J'ai utilisé les 2 entraînements pour me convaincre que j'en étais capable. Se familiariser avec les lignes d'abord le 1er jour, puis avec la vitesse lors du second. Dès mon arrivée à St Moritz, j'avais récupéré les vidéos des testeurs que je regardais en boucle pour imprimer le tracé avant même la 1ere reconnaissance officielle. Je suis passée 2 fois dans la descente “en vrai” mais je pense que j'ai effectué une bonne cinquantaine de visualisations. Tout n'était pas parfait à la veille de course, mais je restais confiante et je connaissais le tracé par coeur. Il me fallait rajouter un peu d'agressivité, oser encore un peu plus, tendre vers la limite.

Le jour J, j'étais sereine pendant la reco. Puis on m'a annoncé que le départ serait abaissé, si je n'étais pas ravie de cette nouvelle à Soldeu l'année dernière, cette fois-ci était différente. Le jury m'évitait deux gros sauts et je pouvais facilement m'améliorer sur la première partie du nouveau tracé qui était technique grâce à une vitesse plus faible que les jours précédents.

Au départ, je ne réfléchissais qu'à une chose: trouver la limite.

J'ai poussé comme une dingue, survoltée. J'ai fauté par engagement mais je restais lucide sur les passages clefs. Sur la partie finale, je me sentais vite...et j'ai eu la confirmation en passant la ligne. Je termine 8ème, ce qui était de très bon augure pour le slalom.

J'étais relax entre les 2 manches; déshabillage de ma tenue de Descente, massage au blackroll, habillage de ma tenue de Slalom, échauffements dans les tracés, reconnaissance de la manche tracée à 11m sans contrainte (c'est une distance conséquente pour du slalom) qui me paraissait parfaite pour mon gabarit.

“La neige répondait sous le pied”, je n'avais donc pas à me soucier de la dégradation du terrain en partant 23. (les 30eres partent dans l'ordre inverse de leur arrivée)

Il y avait un TV break de 3min avant moi, je le savais...mais dans l'excitation, et le stress du départ j'ai oublié. Je me présente au portillon bien trop tôt. J'effectue alors ma routine du départ: Je me tape les cuisses, tape le coeur pour faire augmenter mon rythme cardiaque, je serre mes languettes, fais des fentes pour faire glisser mes skis,...je suis prête à jaillir! Sauf que...tout cela ne m'a pris que 30secondes. C'est alors que ma bulle se perméabilise, je vois les 1eres portes, j'entends la foule, je remarque la caméra sur ma droite, les flocons qui tombent...et je pense à la dame de Savoie qui m'avait promis de venir. A cette pensée, j'essaye de me remettre dedans en effectuant une deuxième routine en prenant plus de temps...”Tout donner, trouver la limite” comme je l'avais fait le matin.

Que le temps m'a paru long!!!

Enfin, le starter a replacé la baguette devant moi.

Dès les 1eres portes, j'ai des mauvaises sensations, le terrain “tape” un peu plus que prévu et j'ai du mal à trouver le rythme. Je ne suis pas vraiment relâchée mais j'ai envie. Le problème de l'envie, c'est qu'elle coûte cher lorsque les fondamentaux technique ne sont pas bien respectés. Je faute grossièrement à moitié de parcours et l'envie laisse place à la crainte. Je n'ose plus, le tracé est très direct et les portes arrivent vite, je ne suis plus maître de mes skis et je subis. J'essaye de remettre du rythme sur la partie plate finale mais je n'ai pas emmagaziné assez de vitesse dans le dernier mur. Je franchis la ligne 9ème, dépitée.

C'est loupé...encore une fois. Toute l'adrénaline retombe et je me rends compte à quel point je suis fatiguée. Je suis encore dans la raquette d'arrivée et les dernières semaines défilent, la fatigue laisse alors place à la rage. Que des emmerdes depuis un mois, entre querelle et maladie, trahison et tristesse. Quelle année de merde 2017!

Je m'en veux tellement et en même temps je ne sais même pas pourquoi je m'en veux parce que j'ai le sentiment d'avoir tout donné aujourd'hui avec mes moyens du moment. Je dois affronter les journalistes dont le constat agit comme une claque dans la figure: la fille au 160 départs en Coupe du Monde ne sait pas répondre présente le jour J. Je vais garder le statut d'espoir déchu encore une année. Je n'appelle aucun membre de ma famille et je rentre à l'hôtel. Je discute alors avec mes coaches. Eux y croient encore... ma Descente nous prouve que je suis capable de me transcender moi aussi les jours de Championnats!

Je suis très fatiguée parce que j'ai lutté contre tout ces quarante derniers jours pour me présenter au départ. Je sais déjà que ma fin de saison va être compliquée physiquement, qu'il va falloir serrer les dents jusqu'à la trève. Je tire mon épingle du jeu à la finale de la Coupe d'Europe de slalom en terminant sur le podium et aux Championnats de France à l'orgueil où je ramène 2 médailles d'argent...le ski est toujours là et l'envie aussi!

Je n'ai pas grand chose à changer pour la saison olympique juste utiliser l'été pour imperméabiliser ma bulle :)

Anne so